Le long de l'eau [ Mrs Dubtach ]

Lowena se baladait le long du fleuve. Ses cheveux blonds et légérement bouclés attachés en un chignon serré. Ainsi elle ressemblait en tout point avec sa soeur défunte. Chaque matin, la danseuse prenait le temps de se remémorer le visage de Celestine, son rire surtout, comme un rite macabre, afin de ne pas oublier cette personne si chère à ses yeux. Pour l'occasion, Lowena portait toujours un long manteau, qui remontait jusqu'au cou. Par beau temps, le col s'ouvrait, dans le but de respirer librement. De temps à autres, la jeune femme s'arrêtait, jetant un regard égaré dans l'eau, à la recherche d'une trace d'humanité encore en elle, ou encore, jettant son regard azur au loin, rencontrant les rayons du soleil timide du matin. Puis, elle reprenait sa marche, lente et silencieuse. Les mains tantôt dans le dos, tantôt croisée, tantôt pendue simplement aux bouts de ses bras. Lowena ne prêtait pas beaucoup attention aux passants, même aux hommes, dans ce genre de moments, elle se concidérait comme tout le monde, elle ne souhaitait pas souiller l'image de sa soeur. Pourtant, le visage de l'une de ces personnes appela sa vue. Assurément elle l'avait déja croisé. Mais où ? Quand ? Comment ? Elle ne saurait le dire. Comme s'appellelait-elle ? Qu'importe, cette apparition l'a troublait incroyablement. Cette silouhette lui était tellement familière ! Remuant ses souvenirs à une vitesse virtigineuse, elle ne vit pas la jeune femme et l'a bouscula de plein fouet. Perdant toute contenance, Lowena murmura des bribes d'excuses, le visage défait.

Je ... Madame je ne saurais comment m'excuser d'un tel comportement. N'êtes vous pas blessez au moins ? J'en aurais grande peine à vous savoir souffrante par mon étourderie. Si vous saviez comme je suis navrée Madame ...

Une journée parmi tant d’autres…enfin presque. Depuis près d’une bonne semaine, Anwen n’avait plus l’autorisation de quitter sa demeure, enfin pas sans l’autorisation de son noble époux. Punition pour avoir trop souvent transgressé les règles que son statut lui imposait. Ainsi, elle avait passé sa semaine à s’occuper de son fils et à s’ennuyer ferme en lisant des livres inintéressants sur les runes et l’arithmancie ! Si bien qu’elle pensait pouvoir décrypter n’importe quelle inscription runique à présent ! Enfin quoi qu’il put en être, ce matin là, la jolie blonde avait bien dans l’intention de quitter le Manoir. Elle avait la sensation d’étouffer…elle devait sortir. Ainsi, se réveillant de bonne heure, Anwen avait été surprise de trouver son époux à ses côtés, il avait du rentré dans la nuit et elle ne l’avait pas même entendu se coucher…Après un bref soupire, elle s’était décidée à le réveiller doucement. Caressant avec douceur sa joue, mieux valait il ne pas le brusquer de peur de le mettre de mauvaise humeur dès le matin, Vortigern s’était alors éveillé, Anwen lui avait glissé un baiser volage sur la commissure des lèvres puis elle avait glissé sa demande à l’oreille de son époux. Un bref hochement de la tête..Anwen avait pris cela pour un oui et elle était partie se vêtir, laissant son époux se rendormir.

Ce jour ci, son habilleuse l’avait on ne peut plus torturé. Elle avait serré son corsage si fort qu’Anwen ne sentait plus ses côtes…Enfin, cette douleur elle y était habituée depuis son plus jeune âge, mais particulièrement ce matin, il n’y avait rien de réjouissant à se sentir courbaturée ! Après avoir revêtu une robe d’un violet foncé et une cape sombre rehaussée d’un manchon de fourrure de couleur similaire à sa robe, Anwen avait quitté la demeure ancestrale dans un silence de mort ne souhaitant pas éveiller son fils qui aurait probablement tenu à l’accompagner…Elle aimait son fils et sa présence…mais aujourd’hui elle voulait de la tranquillité, du silence… Ainsi, à peine eut elle fait un pas dehors que la noble femme ferma délicatement les yeux pour apprécier le silence qu’offrait ce début de journée…quel bonheur, un petit plaisir à l’état pur qui avait bien trop manqué à l’aristocrate durant ces derniers jours.

Ses pas la menèrent, près de la rivière qui traversait Dublin, la neige bordant la rive et le pont en arc accueillant déjà quelques sorciers matinaux. Anwen ne prêta aucune attention aux sorciers l’entourant, son regard émeraude était rivé sur l’eau, cette vaste étendue que se déroulait sous ses pas. L’esprit ailleurs, elle ne remarqua pas même la jeune femme qui la dévisageait avec insistance faisant là preuve d’une éducation des moins convenable ! Anwen aurait pu l’ignorer et passer à côté de celle-ci, mais cette petite effrontée la bouscula violemment. Les prunelles de marbre de l’aristocrate fusillèrent alors la jeune demoiselle…jusqu’à ce qu’elle soit frappée par cette « ressemblance ». Un nom lui vint aussitôt à l’esprit :Célestine. Mais voilà, il était là une chose des plus improbables…Célestine était décédée il y avait de cela bien longtemps aujourd’hui. Anwen revoyait encore cette dernière nuit où elle l’avait vu…lors d’une soirée mondaine, elle revoyait les funérailles…Célestine avait été plus proche d’Anwen que nulle autre personne en ce monde..Toutes deux avaient fait leur entrée dans la haute société ensemble et jamais ne s’étaient séparées, jusqu’à cette fameuse nuit où la mort était venue prendre celle qu’Anwen considérait comme sa confidente. Il avait alors fallu de nombreux mois à la jolie blonde pour s’en remettre et elle s’était jurée de ne plus jamais laisser quelqu’un la toucher de si près…depuis elle s’était enfermée dans une solitude volontaire.

La jeune femme prit la parole en bafouillant…et ceci démontra à Anwen, que cette jeune fille n’avait strictement rien à voir avec sa Célestine. Célestine gardait un visage impénétrable et toutes circonstances et jamais elle n’aurait bafouillé de la sorte. Qui était donc cette jeune femme ? Anwen n’eut guère à réfléchir plus longtemps…Elle avait presque occulté, durant tout ce temps, de sa mémoire la jeune sœur de sa défunt amie. Il ne pouvait alors s’agir que cette cadette demeurée dans l’ombre d’une sœur brillante.

_Ce n’est rien Miss…faite dont plus attention. Qui plus est il me semble qu’il est bien tôt pour une jeune femme de votre statut pour trainer dans les rues de Dublin… Votre père ne vous a-t-il pas délégué un chaperon ?

Anwen interrogea la demoiselle du regard, elle avait connu, il y avait de cela bien longtemps aujourd’hui, la famille de Célestine et elle connaissait suffisamment le paternel de cette dernière pour savoir qu’il n’autorisait certainement pas à sa cadette de se baladait seule…Alors la question demeurait que faisait elle ici.

_Peut être mon nom ne vous revient il pas…je suis Anwen Dubtach…je fus une amie de votre sœur par le passé…

Le nom de la jeune femme résonna dans la tête de Lowena. Anwen Dubtach ... Comment aurait-elle pu oublier ce patronyme ? Une vague de souvenirs sbmergea la jeune fille tel un ouragan qui s'abattrait rageusement sur une bête sans défense ... Quelques instants se passèrent entre l'interrogation de son interlocutrice et " l'absence " de la danseuse. Que pouvait-elle répondre ? A l'evidence, elle ignorait les activités de Lowena, ce qui était pour l'instant un bon point. Mais pour combien de temps malheureusement ?

Puis, furtivement, elle envisagea certaines réponses, quelqu'unes peu concevables, comme mentir lâchement, et d'autres bien trop entreprenantes. Dans tous les cas, elle lui poserait certainement une ribambelle de questions, toutes plus personnelles les unes que les autres . Comment répondre ? De quelle manière ? Rapidement ? Franchement ? Que se passerait-il par la suite ? Toutes ces interrogations se bousculèrent dans son esprit, mais peu de solutions s'ouvraient à elle pour l'instant . De toutes les manières, la jeune fille se doutait bien que Anwen ne l'aimait guère. Peut-être parce qu'elle était presque le portrait de sa soeur, et que pourtant rien ne les rapprochait par leur caractère ? Il est vrai que Celestine avait fait une entrée fracassante dans la société, dans le bon sens du terme. Tout lui réussissait. Un magnifique avenir se dessinait devant elle, et puis une nuit ... Le sort décida le contraire.

Lowena n'avait pas du tout eut la même perspective du destin. A cheval contre l'autorité, elle ne supportait pas l'étiquette, moins maintenant, mais le fait de suivre un protocole à la lettre l'ennuyait plus que profondemment. Elle n'était pas plus scolaire que cela, aimait s'amuser et aller courir dans les champs plutôt que de rester à étudier près du feu . Ce que lui reprochait souvent sa mère, qui prenant comme exemple sa défunte soeur. Tout ne semblait que tourner autour d'elle. Célestine ceci, Célestine cela ... Bridant toutes les qualités et les bienfaits que pouvaient engendrer Lowena ... Son passé se situait à plus d'une centaine de kilomètres de là. Jamais la jeune femme ne pensait rencontrer quelqu'un qui lui ferait souvenir de " l'ancienne Lowena".
Revenant rapidement à Anwen, la jeune femme esquissa une révérence, se tint droite et répondit d'une voix franche.

Madame, nous voilà à plus d'une centaine de miles du domaine familial . Je vois mal comment mon père pourrait m'imposer une quelconque compagnie, même si j'étais encore sous son autorité, ce qui n'est plus le cas.

La danseuse remarqua qu'Anwen n'avait pas tellement changé, bien qu'un peu vieillie, son charme était intact, et son caractère aussi ... Sa toilette, digne des gens du Beau Monde, resplendissait. Etant devenue quelqu'un d'important, c'est sûrement l'une des tenues qu'une femme de son rang doit porter quotidiennement. Elle devait se sentir tellement à l'étroit ! Lowena aurait aimé sourire à cette pensée, mais l'heure n'était pas à la plaisanterie ...

Sachez Madame, que je ne pourrais oublier, même avec toute la bonne volonté du monde, l'une des plus proches amies de Celestine. Le fait d'avoir épouser le Haut Chancelier n'a pas altéré vos souvenirs, ni votre mémoire. C'est en cela que ma soeur doit être heureuse là où elle est.

[je suis navrée pour le retard...j'avais zappé]

Ce visage…Anwen en était presque troublée tant la ressemblance était frappante avec Celestine ! Sa jeune sœur lui ressemblait tellement qu’Anwen avait la sensation d’être retournée 10ans plutôt…dans un temps où tout était si différent ! Anwen n’était nullement mariée en ce temps là, elle était encore une jeune et impudente jeune femme qui errait dans la haute société irlandaise dans le seul but de s’amuser et de courir les hommes pour les délaisser toujours avec plus de perfidie. A cette époque tout n’était que fastes et divertissements ! Anwen et Celestine passaient leur temps à ne penser qu’à leur prochaine soirée tout en même temps alors qu’elles parlaient politiques et tenaient des propos ambitieux…Jeunes femmes convoitées elles étaient les héritières des plus hautes lignées de sang pur et elles étaient on ne peut plus digne des noms qu’elles portaient…Mais ce temps là était révolu et la jeune femme qui se tenait face à Anwen n’était rien d’autre que le pâle sosie de Celestine. Elle n’était là que pour lui rappeler ce passé disparu…un passé qui avait bien trop subitement disparu.

Anwen, elle, pourtant n’avait pas réellement changé. Toujours autant froide et désagréable si elle le décidait, toujours souriante et aimante si elle le jugeait bon. Elle portait cet éternel masque de perfection qui avait toujours orné son visage de porcelaine et dont elle ne se défaisait plus depuis bientôt huit ans. Les temps changeaient et la jolie blonde était un peu ce que l’on pouvait appeler un modèle de réussite. En effet, elle avait fait un mariage ambitieux et était parvenue au plus haut rang de l’échelle sociale, bien qu’elle n’en eut jamais été très loin. Oh oui elle avait réussi…et personne n’aurait pu soupçonné qu’Anwen n’était en rien cette femme parfaite que tous voyait…car personne ne l’avait jamais vu différemment mis à part la défunt sœur du petit bout de femme qui se tenait face à elle…que de coïncidences. La jolie blonde détestait tout particulièrement avoir à faire à des fragments de son passé…Elle détestait se confronter à ce temps qu’elle revenait à regretter ces temps ci. Anwen regrettait son insouciance, elle regrettait de crouler sous le poids des responsabilités à tel point qu’elle ne pouvait plus même sourire sans se demander si cela n’aurait pas un quelque conque impact sur son époux. Prisonnière d’une jolie prison dorée, Celestine lui aurait probablement donné une bonne leçon de morale .

Mais, Anwen quitta bien vite ses pensées et ses iris d’émeraudes se reposèrent sur la jeune femme devant elle. Sans escorte…depuis quand une jeune fille de son rang se promenait sans escorte ? Elle connaissait le père de cette dernière et la jolie blonde savait qu’il n’aurait pas laissé partir sa fille ainsi seule. C’est alors qu’un détail revint à l’esprit de la noble femme, un détail vieux de plusieurs mois maintenant, par une missive, elle avait appris que la jeune sœur de Celestine avait quitté la demeure familiale pour la France…Que faisait elle ici alors ? Qui plus est, la jeune demoiselle venait d’affirmer qu’elle n’était plus sous l’autorité paternelle…Lui aurait on menti ? Le père de Celestine aurait il tenté d’étouffer un quelque conque scandale ? Anwen fronça légèrement les sourcils alors qu’elle questionnait à nouveau la jeune femme

_Plus sous l’autorité paternelle dites vous ? Et bien alors que faites vous Mademoiselle, puisque je ne perçois pas le quelque conque signe d’un mariage et qu’il va de soit que l’une des héritiers Loveless aurait fait parlé de son mariage…

Anwen interrogea la jeune femme du regard alors que cette dernière prenait la liberté de la détailler du regard. La jolie blonde détestait tout simplement que l’on détaille ses tenues, son époux le faisait bien assez, dans l’unique de vérifier que son épouse portait une tenue convenable. Qui plus est, la jolie blonde n’aimait nullement la liberté que prenait la jeune femme à lui répondre. Elle n’était pas sa sœur et ainsi elle ne pouvait pas agir comme telle.

_Puis je savoir où est le rapport entre Mr mon Epoux et ma mémoire ? Croyez vous un seul instant, Miss, que j’aurais pu oublier votre sœur ? Mais je vois qu’en ayant quitter l’autorité masculine vous avez décidé de ne pas suivre le chemin de Celestine…Elle doit en être déçue.

» Lord V. Dubtach